Christian Belhote
Magistrat honoraire. Ancien chargé de mission auprès du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de 2012 à 2014 et de 2018 à 2021.
Christian Belhote, juriste qui fut chargé des transferts des compétences en droit, en Nouvelle-Calédonie propose une séance sur le thème : « Bougival. Et après ? Réflexions et interprétations » suivi d’un échange de questions/réponses avec la salle.
Discutante : Isabelle Merle (Historienne, Directrice de Recherche, CREDO- CNRS)
Le préambule de cet exposé en 2 parties sera consacré au cadre juridique actuel afin d’identifier les raisons strictement juridiques qui imposent une évolution institutionnelle en Nouvelle-Calédonie.
En effet, depuis la troisième consultation référendaire de 2021, l’organisation politique du pays est toujours régie par l’accord de Nouméa de 1998, comme désormais suspendu dans le temps.
Cette situation juridique totalement inédite a comme grand avantage de constituer un filet de sécurité juridique, mais comme principal inconvénient de figer le processus de décolonisation et de surcroît, de prolonger un régime juridique transitoire, très dérogatoire au droit constitutionnel national.
Faute de consensus politique sur place, l’Etat a tenté d’en sortir l’an passé. Le projet de modification constitutionnelle du corps électoral s’est fondé sur les principes du droit électoral national au mépris des normes internationales mises en avant par les indépendantistes.
Toutes les discussions engagées depuis 2021, ont achoppé sur cette question du référentiel normatif. C’est pourquoi, avant l’examen de la situation actuelle et de son déroulé, la première partie de l’exposé se focalisera sur la tension dialectique qui préside à la relation droit national/droit international.
A titre d’exemple, la revendication du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est en contradiction flagrante avec l’indivisibilité de la République, principe énoncé à l’article 1er de notre constitution.
Les projets d’Etat associé initialement défendu par le Palika, d’indépendance en partenariat de l’Union calédonienne, de modèle fédéral interne des loyalistes ou de révision constitutionnelle de 2024 renvoient chacun à des principes juridiques incontestables mais souvent contradictoires. Par exemple prétendre accorder le droit de vote à tout calédonien équivaut à priver de son droit propre le peuple premier.
L’ultime projet d’accord, dit de Bougival, affiche l’ambition d’être une synthèse de cette alternative juridique, entre pleine souveraineté et intégration républicaine. Toutefois, une lecture rigoureuse de ses dispositions dissipe rapidement les doutes. Derrière un habillage « d’Etat de Nouvelle Calédonie », de « nationalité calédonienne » ou de « souveraineté partagée », ce texte se situe en réalité très en retrait de l’accord de Nouméa et arrime pour des décennies un Etat sous tutelle à la République.
La mise en œuvre de ce projet va nécessiter un long parcours institutionnel fragilisé par le rejet du FLNKS. Même parmi les signataires, des voix appelant à la réouverture du texte se font entendre, ce qui augure de difficiles débats entre élus et un avenir bien incertain.