Les ethno-choses et la cognition des objets

Ethno-choses : épistémologie et anthropologie des savoirs pratiques

Présentation du séminaire
Vendredi 4 avril 2025 de 14h à 17h
Lieu : Centre de la Vieille-Charité, Salle C

Flavia Carraro (Université Toulouse – Jean Jaurès, LISST-CAS), « Écritures sauvages. Savoir tisser, dire par motifs, encoder en fils »

Evelyne Bulegih (Centre culturel du Vanuatu) & Eric Vandendriessche (CREDO), « Tressage des nattes rituelles au Centre de l’île de Pentecôte (Vanuatu, Pacifique sud) : approche croisée (ethnomathématique, ethnolinguistique, ethnotechnologie, muséologie) »

 

 

Séminaire de l’EHESS – Marseille, UE683, organisé en partenariat avec le séminaire du Centre de recherche et de documentation (CREDO)

  • Éric Vandendriessche (référent),
  • Sébastien Galliot,
  • Frédéric Joulian

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Depuis une cinquantaine d’années, nous assistons au développement de nouveaux champs d’étude sous des appellations formées à partir du même préfixe « ethno- » : ethnomathématique, ethnoastronomie, ethnobotanique, ethnoécologie, ethnogéographie, ethnopharmacologie, ethnoethologie, etc. Ces différents champs de recherche partagent le projet d’étudier des pratiques et des savoirs présentant une « ressemblance de famille » (Wittgenstein, 1953) avec des disciplines scientifiques (« reconnues » comme telles), bien que développés hors des champs savants et institutionnels, dans divers contextes culturels, et tout particulièrement dans des sociétés autochtones.

Le concept d’« ethnoscience » charrie avec lui son lot de problèmes au premier rang desquels son ethnocentrisme. En effet, lorsqu’il s’agit des sociétés autochtones (souvent de tradition orale), il n’y a (ou avait) généralement guère de sens à parler de « science » (ou d’art) comme champ de savoirs et de pratiques autonome et indépendant des autres domaines de la vie sociale. C’est pourquoi notamment, l’anthropologue Philippe Descola critiquait cette tendance à « réifier certains pans des savoirs indigènes en les rendant compatibles avec la division moderne des sciences » (Par-delà nature et culture, 2005). Serait ainsi revenu « aux spécialistes des ethnosciences la mise au jour des classifications et des savoirs populaires », et, aux « spécialistes de la culture, l’étude du symbolisme, des croyances et des rituels », opérant ainsi une distinction « tranchée » entre « savoir pratique et représentations symboliques ».

Dans ce séminaire, nous interrogerons la façon dont ces nouveaux champs d’étude ont répondu à cette critique, en se libérant des méthodes taxonomiques (Conklin, 1962), et en croisant différentes approches disciplinaires pour étudier des pratiques à caractère scientifique dans leurs liens avec des systèmes culturels et symboliques spécifiques (de la région Asie-Pacifique notamment). Dans cette perspective, seront présentés des travaux s’inscrivant dans ces différents champs interdisciplinaires, à la croisée de l’anthropologie, de l’épistémologie, de l’histoire des sciences, et des sciences cognitives, avec pour objectif principal d’élargir notre point de vue sur les pratiques et les savoirs scientifiques. Plus précisément, il s’agira de faire un état des lieux, et de comparer les questions et les méthodes qui ont été développées par ces ethno-« sciences » depuis quelques décennies.

Enfin, ce séminaire visera à explorer la façon dont l’épistémologie et l’histoire des sciences (« reconnues » par l’académie) sont regardées depuis les sociétés autochtones, et la portée de ces points de vue vernaculaires dans les processus de décolonisation des savoirs, engagés par ces sociétés anciennement colonisées.