Comité organisateur :
Marc Tabani (CNRS-CREDO), Thi Phuong Ngoc Nguyen (AMU-IRASIA), Isabelle Merle (CNRS-CREDO)
Dans le contexte historique et politique de la Nouvelle-Calédonie, la filière coprah est un secteur qui intéresse plusieurs acteurs sociaux : les élues de la Provinces des Îles, les producteurs, les emplois de l’huilerie et de la savonnerie d’Ouvéa, les particuliers. La participation des acteurs concerne toutes les étapes de la production du coprah : le ramassage, le coupage, le décorticage et le chauffage. À la fin de ce processus, le coprah est vendu à l’huilerie qui s’occupe de la production et de la distribution de l’huile de coco ; il est utilisé par la savonnerie et par Enercal (société gestionnaire du système électrique calédonien).
Ma recherche a eu lieu pendant les mois de préparation du referendum pour l’indépendance du 4 octobre 2020 ; au cours de cette période les compétences, les pratiques et les idées des acteurs sociales se sont mélangées, avec l’objectif de développer un modèle économique local. Le rôle fondamental du cocotier dans la vie des gens d’Ouvéa a permis de s’y confronter constamment, même quand le parcours de vie des habitants n’était pas directement lié à la filière coprah. Ma présentation vit à lier les projets et les pratiques du développement de la filière coprah au panorama hétérogène des partis indépendantistes à Ouvéa, en se focalisant sur l’analyse d’une phase particulier de la filière : le chauffage.
Les travaux menés depuis une douzaine d’années sur les rapports entre le droit et les normes culturelles des populations autochtones d’outre-mer suppose d’expliquer en quoi une formation juridique en droit international privé m’a conduit à appréhender ces relations d’une manière ouverte qui fait que, contrairement à d’autres juristes, le pluralisme juridique ne m’apparaît pas comme une anomalie. Pour autant, il n’est pas aisé de lui assurer une place satisfaisante dans une République qui se veut une et indivisible. C’est ce que montrent la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française que j’évoquerai plus particulièrement, où les normes coutumières peinent à trouver les voies d’une expression juridique. Mes travaux cherchent à montrer où demeurent les points de blocage, quelles sont les ressources pour les dépasser, quels sont les écueils à éviter pour que le droit soit, dans ses rapports avec les populations d’outre-mer, un lien social et non facteur d’exclusion.
En réponse à l’agitation politique et aux appels à l’ « autonomisation » dans les contextes frontaliers à travers le monde, certaines agences de développement encouragent l’ « entrepreneuriat autochtone ». Dans les hauts plateaux de la province indonésienne de Papua (aussi connue comme Papouasie occidentale), un discours d’échec inévitable et des évaluations d’une « culture non-entrepreneuriale » hantent des politiques et des initiatives visant à encourager les entreprises autochtones. Ces programmes interviennent dans le cadre de réformes destinées à désamorcer le séparatisme papou. Les explications « culturelles » de l’inégalité économique sont en tension avec une analyse des facteurs historiques qui ont mené à une stagnation de l’agriculture autochtone tout en facilitant l’échange commercial de la part des nouveaux arrivants venus d’autres régions indonésiennes. Cette analyse perturbe à la fois une intention de transformer les paysans papous en commerçants, et les évocations, par certains défenseurs de droits humains internationaux, d’une imposition par l’État du « développement » au service d’une domination ethno-raciale en Papouasie. Si les désignations d’ « incapacité à concurrencer » peuvent soit confirmer ou invalider des exhortations au changement culturel pour le développement, l’importance de ces discours met en évidence les obstacles concrets à la mobilisation de la main d’œuvre. Plutôt qu’un programme d’autonomisation réaliste, la promotion de l’ « entrepreneuriat autochtone » peut faire obstacle à une évaluation des pressions sur la reproduction sociale en zone frontalière.
Pour cette présentation, je voudrais mettre en lumière les modes de sociabilité interspécifiques qui organisent les pratiques de chasse et d’élevage, chez les Mentawai de Bat Rereiket (Siberut, Indonésie). Dans ce contexte ethnographique, la simplicité des dispositifs techniques destinés à ces deux activités est compensée par la complexité des interactions que les familles entendent établir avec les animaux. Pour le mettre en évidence, je propose de problématiser la place des sculptures, peintures et bas-reliefs dont les maisons sont décorées. Il s’agira de montrer que, loin de se résumer au souci de produire un sentiment esthétique, les stratégies ornementales contribuent à répliquer la composition générale d’un écosystème forestier. En configurant l’espace de l’habitation et en la parant d’artefacts, les Mentawai entendent mobiliser l’affectivité des animaux d’élevage et de proie, de façon à susciter chez eux des formes d’attachement à l’espace domestique. Les habitations deviennent alors les centres qui permettent d’exprimer l’hospitalité comme mode de relation aux animaux.
Faire vivre une justice de proximité sur un territoire aussi vaste et fragmenté que la Polynésie française représente plusieurs défis de taille. Pour y faire face, la justice foraine fut notamment instituée localement à la fin du XIXe siècle pour permettre la tenue d’audiences dans les îles en l’absence de tribunal. Ce séminaire sera l’occasion d’explorer les réalités relatives à la pratique judiciaire dans ce territoire polyinsulaire et plurilingue, tant d’un point de vue contemporain qu’historique. À partir de deux perspectives en dialogue – celle de l’anthropologue et du magistrat – seront explorés le fonctionnement de la justice foraine ainsi que les défis auxquels elle fait face. Pensons aux asymétries sociales qui marquent les rapports entre les justiciables et le personnel de la justice, aux différences culturelles et aux enjeux langagiers. Pensons également aux défis qui se posent en termes de pérennisation du service et de l’accès au droit.