Chercheuse associée à l’Université de Turin
 
															 
															À la suite de la fin des expérimentations nucléaires en 1996, la présence militaire en Polynésie française s’est reconfigurée autour de missions sociales et pédagogiques. Ce déplacement des fonctions militaires, de la défense nationale vers la gestion du social, révèle la manière dont la militarisation s’est inscrite dans la vie quotidienne des populations autochtones, façonnant leurs subjectivités et trajectoires. La Polynésie française, collectivité d’outremer stratégique dans le Pacifique, occupe une position clé pour les politiques de sécurité, dans un context de tensions géopolitiques régionales et de rivalités croissantes. S’appuyant sur une enquête ethnographique menée à Tahiti et à Tubuai entre 2021 et 2022, cette présentation analyse le rôle du Régiment du Service Militaire Adapté (RSMA) comme dispositif (para)militaire de formation professionnelle et d’insertion sociale pour les jeunes Polynésiens.ennes en situation de précarité. L’engagement au RSMA constitue à la fois un choix pragmatique face au manque d’opportunités locales et une manière de reconfigurer le rapport à l’État et à la nation. En inscrivant cette pratique dans une histoire longue de la présence française — du nucléaire à la reconstruction symbolique du lien civique — l’analyse met en lumière les paradoxes d’une citoyenneté non souveraine, où la participation à l’armée devient à la fois un moyen d’émancipation et le symptôme d’une dépendance postcoloniale. L’étude propose ainsi de repenser la militarisation comme une forme de gouvernement du social et un lieu d’invention politique, tout en soulignant l’importance stratégique et géopolitique de la région dans les dynamiques contemporaines du Pacifique.